Les Ballons montés: naissance de l’aéropostale
Au secours Paris coupée du monde !
Guerre de 1870, Paris est encerclée par l’armée Prusse. La capitale est coupée du reste du territoire. Il faut agir vite ! Trouver une solution pour rétablir la communication avec le monde extérieur devient impératif. Paris ne peut pas rester isolée du territoire.
Le seul moyen serait d’expédier du courrier dans les airs car les voies terrestres sont inaccessibles et ne peuvent plus être empruntées. Quels moyens utiliser ? Comment garder le contact par la voie aérienne ?
A l’époque, le célèbre ingénieur- photographe Gaspard-Felix Tournachon plus connu sous le nom de Nadar crée « La Compagnie des Aérostiers militaires ». Il s’agit de construire des ballons militaires à disposition des forces gouvernementales. Ce système consiste à garder les ballons captifs, attachés au sol, pour pouvoir observer l’ennemi.
L’idée serait alors de se servir de ces ballons pour expédier du courrier hors de Paris. Ce système ingénieux serait-il la clé de la victoire ?
Les ballons montés à la rescousse des parisiens…
Germain Rampont, le directeur général des Postes, se charge donc de l’organisation de la communication à l’extérieur de Paris. Toute une organisation se met en place et un campement s’installe place Saint-Pierre au pied de la butte Montmartre : ici naît la poste aérienne du siège.
Ces ballons à gaz avec nacelle permettraient de transporter du courrier civil et militaire mais aussi des passagers ainsi que des pigeons voyageurs pour permettre de communiquer dans les deux sens. Il s’agit d’une véritable innovation pour l’époque ! Mais ce nouveau moyen de transport de courrier ne reste pas sans risques les ballons étant gonflés au gaz d’éclairage hautement inflammable.
Le siège ayant entraîné l’arrêt total de la circulation des trains, les halls de gare servent de hangars de construction et se transforment en véritable aérogare.
Première tentative… première réussite !
Le 23 septembre 1870 « Le Neptune » embarque à son bord Claude-Jules Duruof ainsi que 125kg de dépêches officielles, journaux et quelques lettres. Il décolle et franchit les lignes ennemies et après 3h15 de vol pour parcourir 104 kilomètres, il arrive à destination. C’est une première victoire grâce aux ballons montés.
Officiellement, on annoncera la naissance de la poste aérienne le 27 septembre 1870 où deux décrets autorisent l’expédition du courrier par voie d’aérostats.
Quelques règles sont alors imposées par l’Administration des Postes pour minimiser au maximum le poids à transporter. Il faudra écrire sur du papier très fin souvent du papier pelure car le pli ne doit pas dépasser 3 ou 4 grammes maximum. De plus, la lettre devra être pliée en la cachetant pour ne pas utiliser d’enveloppe.
Pour la construction des ballons montés il faut aussi rationaliser et les opérations sont prises en main par le directeur des Postes Germain Rampont. Les ballons doivent faire 2000 mètres cube, être en percaline à l’huile de lin avec une nacelle en osier de 1m30 de largeur et de 1m50 de hauteur. Les sacs postaux, sacs de lest et les cages des pigeons voyageurs sont suspendus à l’extérieur.
Un transport périlleux dans les airs !
Un problème se pose alors, il manque d’aéronautes dans Paris. Des marins et gymnastes volontaires sans aucune expérience sont recrutés et la formation est expéditive vu l’urgence de la situation !
Par conséquence, la qualité de la navigation et les atterrissages sont périlleux et engendrent des blessés et des disparitions.
La plus grosse difficulté du voyage se retrouve dans le fait de ne pas pouvoir diriger un ballon qui suit automatiquement la direction des vents dominants. Ainsi, fin novembre 1870 un anticyclone du nord-est de l’Europe poussera les ballons vers l’ouest avec les températures négatives et il y aura deux disparitions dans l’Océan Atlantique.
Durant ces expéditions postales on peut compter quelques échecs comme « Le ville d’Orléans » qui a parcouru 1246 kilomètres pour atterrir en Norvège, « Le Duquesne » que l’on a tenté d’améliorer en le munissant d’hélices et qui se pose en zone occupée ou encore « Le ville de Paris » qui atterrit en Allemagne. Cinq ballons se feront capturés par l’ennemi.
Malgré ces quelques tentatives échouées cette innovation est une grande réussite et chaque ballon monté est utilisé à différentes missions. Sur la quasi-totalité des vols on transporte du courrier en quantité abondante ainsi que des pigeons voyageurs. Parfois il y a aussi des transports de militaires de tout rang ou estafettes et même de la dynamite. Plusieurs personnalités politiques en profiteront pour échapper au siège de Paris, parmi eux Gambetta pu sortir de Paris.
Les missions sont pour la plupart des réussites compte tenu des conditions actuelles : ville assiégée, pilotes inexpérimentés, vols de nuit, transport de dynamite, … On ne trouvera aucune défaillance sur les ballons et les accidents seront souvent dus aux atterrissages.
Une difficulté supplémentaire se rajoute car Krupp, un industriel allemand, a été sollicité pour riposter. Les allemands vont alors se servir de mousquets anti-ballons spécialement construit pour détruire ces ballons montés. Ce sont les premiers canons anti-aériens qui s’avèrent peu efficace face à la haute altitude que prennent les ballons. Pour éviter la détection des ballons par l’ennemi, les départs se font alors de nuit rajoutant un risque supplémentaire car il est alors impossible de connaître la direction prise par le ballon.
La voie aérienne : découverte d’un nouveau moyen de transport …
Des records de vitesse et de distance ont été réalisés grâce à l’invention des ballons montés et la voie aérienne devient un moyen de transport à part entière qui peut avoir une utilité stratégique et aussi pratique à grande échelle.
Paris est coupée du monde durant 136 jours du 23 septembre 1870 au 28 janvier 1871. Cependant, la communication reste établie grâce aux 66 ballons montés qui quittent la capitale avec à leurs bords 164 passagers, 381 pigeons voyageurs, 5 chiens et de 2.5 à 3 millions de lettres soit 11 tonnes de courriers.
Après de nombreuses expériences qui auront toutes échouées telles que les piétons, les sous-marins, les bateaux, les scaphandres, …les ballons montés s’avèrent une véritable réussite et avancée dans l’histoire de l’aéropostale.
La seule difficulté et pas des moindre sera de recevoir du courrier en retour. Les pigeons voyageurs n’étaient pas une solution fiable et sur 375 pigeons seulement 57 arrivèrent à leurs pigeonniers parisien.
L’invention des boules de Moulin paraît être un système ingénieux qui consiste à déposer en amont de la Seine des cylindres de zinc remplis de courriers et transportés par le courant. Mais ces boules de zinc s’avèrent être aussi un échec malgré les traces qu’elles laisseront pour le plus grand bonheur des collectionneurs en philatélie.
Le siège de Paris laisse des traces philatéliques…
Certains événements marquant de l’histoire en font des périodes philatéliques recherchées grâce à ces inventions pour communiquer et transporter du courrier.
En à peine quelques mois durant le siège de Paris, il y a une abondance de courriers exceptionnelle transportés par ballons montés qui aujourd’hui sont désignés comme « correspondances transportées par ballons montés » ou « ballons montés » et forment des collections à part entière.
Ces plis ayant voyagés dans les airs en 1870 sont aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs et attisent notre curiosité quant à ce qu’ils contiennent : à qui étaient-ils destinés, quels secrets pourrions-nous découvrir…
Il s’agit de véritables collections dont nous pouvons parler actuellement grâce à de très nombreux courriers retrouvés et aux renseignements très précis que nous récoltons sur chacun des ballons montés. En effet, chaque ballon était répertorié avec son nom, sa date de départ et d’arrivée, le volume du ballon, le poids des dépêches notamment.
La valeur de l’objet de collection transporté par ballon monté va dépendre de plusieurs facteurs. Bien souvent, ces objets ne sont souvent pas à la portée de toutes les bourses !
Il faudra prendre en compte de nombreux éléments pour en déterminer une estimation comme par exemple le ballon par lequel il a été transporté, les oblitérations de départ, les timbres apposés à l’arrivée, la destination, les types d’objets (journaux, lettres,…), l’affranchissement mais aussi s'il s’agit de plis accidentés ou capturés.
Différents type de plis pouvaient être transportés par ballons montés qui aujourd’hui nous laissent découvrir divers affranchissements ou oblitérations. Les plus courants se retrouvent sur les lettres ordinaires déposées dans des boites aux lettres comme par exemple les bureaux de quartier avec une oblitération étoile chiffrée + timbre à date type 17, les bureaux de banlieue avec une oblitération losange gros chiffres + timbre à date type 17, ou encore le bureau central avec une oblitération étoile muette + timbre à date « Paris 60 ».
Etaient aussi transportés couramment les recommandés aux aéronautes par l’Administration des Postes tels que les fonctionnaires ou proches du gouvernement avec un timbre à date « Paris SC » en rouge.
Aussi, des plis étaient directement confiés aux aéronautes sans oblitérations où parfois ils appliquaient leurs propres timbres. Ces plis restent très rares avec une cotation assez élevée.
Comment reconnaître ses correspondances par ballons montés ?
Quels sont les indices qui nous permettent aujourd’hui de les identifier ?
Impérativement l’objet ou le pli envoyé doit être au départ de Paris. Ensuite, une indication sur la date de départ doit obligatoirement se situer entre le 23 septembre 1870 et le 28 janvier 1871, période durant laquelle Paris fut assiégée. Parfois, le contenu de la lettre peut confirmer la date. Le plus souvent, le pli portera la mention « par ballon monté » imprimée ou manuscrite.
Ensuite, il s’agira de trouver des indices sur le ballon ayant transporté le courrier. Le seul moyen étant de relever la date de départ et la date d’arrivée et de la comparer avec les dates de départs et d’arrivées des ballons car ils ont tous été répertorié.
Aujourd’hui, certains plis valent plusieurs milliers d’euros par leur rareté, par le caractère accidentel de leur transport, par leur affranchissement et les oblitérations peu courantes apposées… Cet ensemble constitue un riche patrimoine intégré à notre histoire de l’aéropostale.
En cette période troublée de l'histoire française que fut le siège de Paris en 1870, la poste aérienne a connu des débuts périlleux à travers la correspondance par ballons montés mais qui aujourd’hui forment une des richesse de notre patrimoine suscitant l'intérêt général et la curiosité pour le plus grand plaisir des philatélistes et passionnés de l'histoire postale!
Sources :
Ballons montés, Wikipédia
Les ballons montés, Marcophilie.org
Les ballons montés de la guerre de 1870 en pleine ascension, Yvert et Tellier
Les ballons montés : introduction, Coppoweb
Les ballons montés à la rescousse des parisiens, Colombes philatélie
Ballons montés et boules de moulins, par Fergus Agora Vox
Vous avez dit « ballon monté » ?, L’Adresse Musée de La Poste